PAR LA FENÊTRE 23 Mai 2010
PAR LA FENETRE
De Gianmarco Toto
Personnages
Lara (Jeune fille handicapée et forcée de garder le lit.)
Constance (jeune fille d’un naturel sensible.)
Audrey (Jeune fille très attachée à son look.)
Eve (Jeune fille un peu étrange comme son apparence gothique.)
Sarah (Jeune fille très simple et sociable.)
Morgan (Jeune garçon un peu frimeur mais très sympathique.)
Arnaud (Jeune garçon un peu bête mais très bon camarade.)
TABLEAU 1
(Une chambre dans la pénombre. Entre Constance qui timidement s’avance et appelle.)
Constance
Il y a quelqu’un ? Ho, hé !... Je viens pour l’anniversaire… J’ai reçu une invitation… (Plus fort) Hé, ho ! Il n’y a personne ou quoi ?
Sarah
(Apparaissant soudain.)Inutile de hurler comme ça, tu vas rameuter tout le quartier.
Constance
(Sursautant.) Hou ! Tu m’as fait peur. Tu aurais pu prévenir avant de débouler comme un diable !
Sarah
Désolé. C’est ce que j’ai pourtant essayé de faire.
Constance
Oui. Ben c’est raté. Déjà que je n’étais pas chaude à l’idée de venir ici…
Sarah
Toi aussi ? Tu as reçu l’invitation ?
Constance
Oui. Tu la connais cette Lara ?
Sarah
Non. Et toi ?
Constance
Non plus. Je pensais que cette maison n’était qu’une résidence secondaire. On ne voit jamais les gens qui y vivent.
Sarah
Je les ai vu une fois. Enfin, je crois que c’était eux. Très bon chic, bon genre. Mais je ne savais pas qu’ils avaient une fille.
Constance
Tu as raison. C’est étrange, on se connait tous dans le quartier. Du moins de vue… Et toi… En fait, on ne se connait pas. Moi c’est Constance…
Sarah
Et moi, Sarah. Je t’avais déjà aperçu. Tu es bien la fille du…(Gênée)Enfin…
Constance
Ce n’est un secret pour personne… Et oui, c’est moi la fille du « flic »… (Avec cynisme) Ce qui me vaut une renommée extraordinaire !
Sarah
Ce n’est pas de ta faute si ton père est policier. Ce sont les autres qui ont des mauvaises pensées. Et puis, être policier n’est pas une maladie…
Constance
Si les gens pouvaient penser comme toi…
(Entre Audrey.)
Sarah
Et bien voilà ! Je me disais aussi ! On allait quand même pas se retrouver à deux pour faire une belote comptoir.
Audrey
(L’air dépité) Maintenant, c’est un tarot qu’on va pouvoir faire. Quelle ambiance ! Ce sera comme ça toute l’après-midi ou quoi ?
Sarah
(A part) Génial. La lolita du quartier. Je sens que je ne vais pas faire long feu ici, moi.
Constance
(A Sarah tout bas) Tu la connais ?
Sarah
(Même jeu) De vue, seulement…
Constance
(Même jeu)Tiens ! Tu vois ? Toi aussi tu juges aux apparences ! (A haute voix.)Nous sommes les premières. J’imagine que tout le monde n’est pas arrivé. Moi c’est Constance et elle, Sarah.
Audrey
Moi, c’est Audrey. Vous aussi vous avez reçu une invitation ? (Sarah et Constance opinent de la tête.) Quelqu’un la connait cette Lara ? (Sarah et constance répondent « non » d’un mouvement de tête.) Je ne vois vraiment pas ce qu’on fiche ici ? Je ne sais pas pour vous mais moi, je retourne à mes affaires. (Elle tente une sortie.)
Sarah
C’est ça. Tu peux me dire quelles affaires extraordinaires t’attendent ? Tu vas te replonger dans tes magazines branchés pour ados boutonneux et après ?
Audrey
C’est mieux que t’attendre à ne rien faire. En plus c’est lugubre, ici.
Constance
(L’air moqueur) Tu ne vas pas me dire que toi aussi tu crois à ses sornettes ! Ce n’est pas une maison hantée et ça ne l’a jamais été… Et puis les fantômes, ça n’existe pas.
Audrey
Et comment tu sais ? T’en as déjà vu, toi ?
Constance
Non, justement. Et je ne crois que ce que je vois.
Sarah
Pourquoi vous vous disputez ? On se rencontre pour la première fois…
Audrey
Je ne sais pas. C’est les nerfs.
Constance
Ouais. C’est ça. Les nerfs…
Sarah
Allez ! Raccommodez-vous ! Nous sommes invités à une fête. C’est l’occasion de faire connaissance, non ?
Audrey
Mouais. T’as raison.
Constance
(Se tournant vers Audrey.) On fait une trêve ?
Audrey
On fait une trêve.
Constance et Audrey
(En mimant tout un rituel de gestes.) Tope-moi là. Tope-moi là. Tope-moi là. Et à trois ça ira. Un, deux et trois ! (Fort) Tope-moi là ! (Elles rient)
Sarah
C’est original comme façon de la faire la paix.
Audrey
C’est moi qui l’ai inventé.
Constance
(En tapotant sur la tête d’Audrey)On ne le dirait pas comme ça mais il y en a sous cette caboche bien maquillée.
(Tout le monde rit. Audrey râle et rigole en même temps parce que Constance a failli la décoiffer. Constance fait mine de jouer les coiffeuses mondaines et recoiffe Audrey.)
Constance
Bon et si on essayait de trouver cette « Lara » ? Doit bien être quelque part.
Sarah
Moi j’ai déjà parcouru tout le rez-de-chaussée. Il n’y avait personne.
Constance
Et la cave ? Tu as pensé à la cave ? Souvent les jeunes organisent leurs fêtes dans la cave de la maison. Comme ça les parents ont la paix et puis ça fait… (Se tournant vers Audrey) Comment ça se dit déjà ?
Audrey
Tendance. Ca fait tendance.
Sarah
(Imitant Audrey) Ouais. C’est ça. Ca fait tendance, tu vois !
Audrey
T’as fini de te moquer de moi, oui ?
Sarah
Qui aime bien,…
Audrey
Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?
Constance
(L’oreille tendue.) Hé, attendez ! J’entends des personnes qui montent. C’est sans doute les autres !
(Arnaud et Morgan font leur entrée en chahutant.)
Morgan
(D’un air faussement inquiétant.)Salut. C’est ici qu’on drague ?
Sarah
(A part) Oh, non ! Il ne manquait plus que ça ! La terreur des mouches mortes !
Constance
(Même jeu) Tu le connais ou tu juges ?
Sarah
(Même jeu à Constance) Ah, non ! Lui je le connais, tu vois. S’il a une occasion de mettre la pagaille, crois-moi, il la mettra…
Morgan
Ben, alors ! C’est un anniversaire pour sourds et muets ou quoi ?
Arnaud
(Riant bêtement) Un anniversaire pour sourds et muets ! Qu’il est tarte ce mec !
Morgan
Ben, c’est vrai quoi ! T’as vu le comité d’accueil ? On dirait des zombis ou alors ils ne parlent pas la même langue… Vous-être-invités-ici ? Vous-pas-être-français ? Vous-connaître-Lara ? Moi-être gentil galopin. (Voyant Audrey) Hou ! Toi-être jolie galopine. Toi vouloir faire bisou, bisou, avec gentil galopin ?
Audrey
Bas les pattes, bouffon ! Tu ne me touches pas, ok ?
Morgan
Hou ! Toi, parler langue comme moi ! Mais toi être farouche galopine !
Arnaud
(Riant aux éclats avec Morgan) Qu’il est bête, ce mec. Mort de rire…
Audrey
Ouais. Ca ne fait rire que les bouffons. Vous faites partie d’un club ou quoi ?
Arnaud
Oh, ça va ! Cool ! Zen ! Si on ne peut plus plaisanter… Et ben, ça va donner si c’est ça la petite fête. Et puis d’abord c’est qui cette Lara, là ?
Lara
(Allumant soudain sa lampe de chevet qui troue l’obscurité qui la cachait jusqu’alors.) C’est moi.
(Lara est assise dans son lit. Les draps jusqu’à la taille.)
Constance
Tu m’as fait peur. Je ne m’attendais pas à te voir apparaître comme ça.
Lara
Désolé. Je ne voulais pas. Je m’étais endormi et quand je dors, j’ai le sommeil un peu lourd.
Audrey
Ce n’est pas grave. Moi aussi quand je dors, faut un boulet de canon pour me réveiller alors…
Morgan
Moi, il me suffit de faire un bon pet pour me réveiller. Prouccht et en avant Germaine ! Rien que l’odeur ça vous réveille un mort.
Arnaud
(Riant de nouveau) Prouccht et en avant Germaine ! Non, mais t’es lourd, mec !!!!
Constance
(A Lara) Et toi tu comptes te lever quand ?
Lara
(Gênée) Et bien, c'est-à-dire que… Je ne peux pas…
Constance
Qu’est-ce que tu as ? T’es malade ou quoi ?
Lara
C’est un peu plus compliqué que ça.
(Elle écarte les draps qui la recouvrent et laissent apparaître deux atèles d’handicap qui lui maintiennent les jambes.) (Silence dans la chambre.)
Arnaud
Mince, alors. Celle-là, je ne m’y attendais pas.
(Noir)
TABLEAU 2
(Un plus tard, Constance est au bord du lit de Lara avec Sarah. Arnaud et Morgan s’activent sur une console de jeu. Audrey fouille un coffret à CD et observe les rayons de livres qui couvrent les murs.)
Audrey
Ben dis-donc ! Baudelaire, Hugo, Verlaine, Rimbaud, l’intégrale de Jules Vernes et j’en passe. Ne me dis pas que tu as lu tout ça !?
Lara
Dans ma situation, c’est plutôt logique. Mes parents m’ont, très tôt, habitué à la lecture. C’est une façon de m’évader.
Audrey
Oui, c’est logique. Tu dois en connaître des choses.
Lara
Je me défends. On ne sait pas tout. C’est mon père qui répète ça souvent : « On ne sait pas tout. »
Constance
Tes parents ne sont pas là ?
Lara
Ils travaillent à l’étranger. Ils voyagent beaucoup. Je voudrais les voir plus souvent mais c’est comme ça. Faut se faire une raison. C’est une aide soignante qui s’occupe de moi.
Sarah
Ouais. Je vois ce que tu veux dire. Moi, ma mère est tout le temps dans ses papiers et mon père nous a quitté quand j’avais cinq ans.
Lara
Tu veux dire qu’il est…
Sarah
Non, tu rigoles ? Il s’est tiré comme un voleur avec une plus jeune. Sympa comme scénario, non ?
Lara
Excuse-moi, je ne voulais pas être indiscrète.
Sarah
Il n’y a pas de mal. Ca fait longtemps que je me suis fait une raison.
Audrey
(Le nez dans les CD) Wouaah ! Tu écoutes de la musique classique ? Trop de la daube ! Et de l’opéra en plus ?
Lara
Pourquoi ? Tu as déjà écouté de la musique classique ?
Audrey
T’es « relou » ou quoi ? C’est de la musique pour les vieux.
Lara
C’est ce que beaucoup disent. Mais savais-tu que tous les compositeurs actuels s’inspirent de la musique classique ?
Audrey
Oh ! Tu me charries là !
Lara
Pas le moins du monde. Tiens, ouvre le tiroir du dessous.
Audrey
Wouaah ! C’est trop « kifé » ! Tu écoutes du hard rock aussi ? Elle est « zarbi » cette gonzesse…
Lara
Prends n’importe quel album et mets-le…
Audrey
Vrai, je peux ?
Lara
Puisque je te le dis. Tu vas voir, c’est spécial, c’est du hard rock symphonique.
Audrey
(Tout en plaçant le cd dans le lecteur) Oh, ça existe, ça ?
Lara
Attention ! Prêt pour le décollage ?
(La musique résonne dans toute la chambre. Les enfants dansent, Arnaud et Morgan s’agitent en rythme aussi sans quitter leur console.)
(Une fille apparaît à l’entrée de la chambre. Elle regarde étrangement les enfants qui s’amusent. Son style très gothique impressionne un peu les autres, même Morgan ne regarde plus son jeu à l’écran.) (Audrey baisse tout doucement le son.)
Eve
Pourquoi, tu baisses ? Laisse, au contraire, c’est mon style. J’aime bien. (Elle s’avance dans la chambre sous l’œil intrigué du groupe. Morgan est médusé.)
Arnaud
(Qui n’a pas décollé son nez de la console de jeux.) Bon sang, Morgan tu fais quoi là, c’est à toi, on est en train de se faire massacrer…(D’un coup de coude, Morgan détourne l’attention d’Arnaud sur Eve.)Waaouh ! La gonzesse…! (Nouveau coup de coude de Morgan qui fait taire Arnaud.)
Eve
(En jetant un œil sur son invitation.) C’est qui … Lara?
Lara
C’est moi.
Eve
Sympa l’invitation.
Lara
De rien. On fait connaissance, tu vois.
Eve
Il y a de l’ambiance à ce que je constate.
Arnaud
(Bredouillant, subjugué par Eve.)On fait ce qu’on peut. Vu que Lara… (Nouveau coup de coude de Morgan.)
Morgan
(Tout bas à Arnaud.) Ce n’est pas vrai. Tu le fais exprès ou quoi ?
Arnaud
(Tout bas à Morgan.) Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
Lara
Je vous présente, Eve.
Eve
Et tu connais mon prénom !? Je viens à peine d’arriver dans le quartier.
Lara
J’ai mes sources. C’est ma soignante qui m’a renseigné. Je crois qu’elle a un peu discuté avec tes parents.
Eve
Ah ! Les vieux ! Ne peuvent pas s’empêcher de cracher le morceau. Et comment tu as appris mon existence ?
Lara
Je passe mon temps à regarder par cette fenêtre. Je t’ai vu passer l’autre jour en bas de chez moi. J’ai voulu savoir…
Eve
Et curieuse en plus. (S’avançant vers Audrey et le coffret à CD.) C’est bien d’être curieux. Ca ouvre des portes… Enfin, ce n’est pas moi qui le dis, c’est ma mère. (A Audrey) Tu écoutais quoi, là ?
Audrey
(Visiblement intimidé.) Heu ! Du hard rock symphonique ou un truc du genre.
Eve
Je peux ?
Audrey
Ouais. Vas-y…
(Eve fouille dans le coffret à CD aux côtés d’Audrey qui de temps à autre jette un œil intrigué sur la jeune fille.)
Constance
(Tout bas à Damien.) Quelle idée tu as eu de l’inviter ! Tu ne la trouves pas bizarre ?
Lara
Quel effet je t’ai fais tout à l’heure quand tu m’as vu dans mon lit ? Tu as été surprise, non ? Je crois même t’avoir un peu dérangé, non ?
Constance
Ouais. Tu as raison. C’est nul ce que je dis.
Lara
Non, Constance, ce n’est pas nul. C’est humain. Tout ce qui ne nous ressemble pas nous inquiète ou nous fait peur. Tiens, par exemple, tu sais ce que c’est qu’un albinos ?
Sarah
Ce ne sont pas ces personnes qui naissent les cheveux tout blancs et les yeux rouges comme les lapins ?
Morgan
(Qui se mêle à la conversation avec son air moqueur.)Et qui ont des grandes dents devant et de grandes oreilles toutes roses.
Arnaud
(Pouffant de rire avec mépris.) Des oreilles toutes roses ! Qu’il est nul ce mec…
Morgan
(Soudain très sérieux.) On ne peut plus plaisanter ou quoi ? Humour, tu connais le mot « humour » Arnaud ou quoi ? (Vexé il va sa rasseoir devant la console.)
Arnaud
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? (Il rejoint Morgan.)
Lara
(Qui riait de bon cœur.) Qu’est-ce que je disais ? Oui, et bien c’est ça, les albinos. Dans la Grèce antique, il existait un peuple de guerriers, les spartiates qui vivaient dans la cité de Sparte. Ils étaient réputés pour être très forts et redoutables au combat. Et bien, leur désir de garder leur réputation était tel que lorsqu’un enfant naissait albinos, par exemple, il le chassait de leur communauté avec sa mère. Parfois, ils les mettaient à mort dès leur venue au monde.
Constance
Ouais. Un peuple de barbare, quoi ! Je n’aurai pas aimé vivre à cette époque.
Lara
Crois-tu que le monde s’est tant amélioré que ça, Constance ?
Constance
(Un peu surprise par la question.) Je ne sais pas. Je…
Lara
Lorsque tous les jours, je regarde par la fenêtre que crois-tu que j’observe ? Des gens qui croisent d’autres gens, qui vivent dans le même quartier ou dans le même immeuble. Et tu sais quoi ? Ils s’adressent très peu la parole. Mais leurs regards en disent long. Ils se dévisagent et je vois dans leurs yeux la peur parfois de celui-ci qui a la peau noire ou métissée ou de celle-là dont le visage est couvert de piercings ou le corps tatoué ou de celui-ci encore qui est obèse ou chétif. Tout ce qui ne nous ressemble pas nous dérange, c’est dans la nature de l’homme et on n’y peut rien.
Constance
A t’écouter, on dirait qu’on peut rien faire, que tout est fichu d’avance.
Sarah
C’est vrai Lara. Ce n’est pas très gai comme discussion. C’est ton anniversaire quand même.
Lara
Ce n’est pas vrai. On peut toujours faire quelque chose. La preuve : vous êtes là, vous, aujourd’hui.
Constance
Touché.
(La conversation continue pendant qu’Eve et Audrey écoutent une nouvelle musique. Arnaud et Morgan continuent à jouer à la console.)
TABLEAU 3
(Un peu plus tard, en fin d’après-midi, les enfants finissent de goûter. La musique bat toujours son plein.) (Fin de la musique.)
Morgan
(Allongé au sol. Tout en s’étirant.) Ouf. Je crois que j’ai trop abusé des beignets. J’ai le ventre qui va exploser.
Arnaud
Tu ne veux pas de ton dernier. Tu me le files ?
Morgan
Ce n’est pas vrai ce mec. C’est un frigo. Où est-ce que tu mets tout ça ?
Lara
C’est bien d’avoir de l’appétit. Ca prouve qu’on a la santé.
Morgan
Bon, Lara, ce n’est pas que je m’ennuie chez toi mais faut songer à rentrer parce que sinon, chez moi, c’est la crise…
(Arnaud et Morgan embrassent Lara.)
Lara
Salut les gars. Sympas d’être venu.
(Arnaud et Morgan sortent de la chambre) (On entend la voix de Morgan qui taquine Arnaud.)
Morgan (En off)
(Prenant la voix d’un fantôme) Hou ! Hou ! Attends-moi, Arnaud, ne va pas seul dans cette maison. Je suis ton pire cauchemar.
Arnaud (En off)
Lâche-moi. T’es lourd, là !
(Tout le monde rit aux facéties de Morgan.)
Lara
Alors, Sarah, Tu vois ? Il est plutôt sympa, notre terreur des mouches mortes.
Sarah
Ouais. T’as raison. Faut se connaître, quoi.
Audrey
(Regardant son téléphone portable.)Hou ! La vache ! Il est super tard. Je ne me suis pas rendu compte que le temps passait aussi vite. Je suis super à la bourre. Je vais appeler chez moi. (Elle pianote sur les touches.)
Sarah
Si on n’a pas vu le temps passer, c’est la preuve que ta fête était réussie, Lara. (Tout en lui faisant la bise.) En tout cas, je suis super contente d’avoir fait ta connaissance.
Lara
Merci, Sarah. Ca m’a fait plaisir de vous rencontrer à tous.
Audrey
(Qui insiste avec son portable.) On ne capte rien chez toi, Lara. Je n’arrive pas à me connecter.
Lara
Oui, je sais, les murs de la maison sont supers épais. Mon père, ça le met tout le temps en rogne.
Eve
(Regardant son portable.) Moi aussi, je n’ai pas de réseau.
(Retour de Morgan et d’Arnaud dans la chambre.)
Morgan
Dis-donc, Lara, c’est « kiffé » chez toi mais on sort par où ? La porte d’entrée est verrouillée. Tu n’as pas la clé par hasard ?
Lara
Oh, la barbe ! C’est l’aide soignante qui a déclenché le verrou automatique. Je lui avais pourtant recommandé d’y penser sachant que nous étions là toute l’après-midi.
(Quelques regards inquiets s’échangent entre les enfants.)
Constance
Oui, mais elle va revenir d’ici ce soir, non ?
Lara
C’est là le problème. Je lui donné son congé jusqu’à demain matin.
Morgan
Et bien, nous n’avons qu’à sortir par une fenêtre et le tour est joué.
Lara
(Mal à l’aise) Heu ! Il y a des barreaux à toutes les fenêtres du rez-de-chaussée. C’est encore une initiative de mon père.
Eve
(Regardant par la fenêtre.) On ne pourrait même pas sauter par la sienne. T’as vu la hauteur ?
Sarah
(Essayant d’ouvrir la fenêtre.) Ah, ouais. Ca fiche le vertige. Ah ! Et ta fenêtre ne s’ouvre même pas.
Lara
(De plus en plus gênée.) C’est aussi une initiative de mon père. Pour pas qu’il arrive quelque chose pendant leur absence. Il a pensé à tout.
Audrey
Oui, il a pensé à tout sauf à ça. Ben moi, je commence à flipper grave. Je vous préviens, je ne supporte pas de rester enfermée.
Morgan
Bon. A quoi ton père n’a pas pensé, alors ? Ne peut pas penser à tout cet homme là, quand même.
Lara
Ben, tu sais, il est architecte, alors…
Arnaud
Génial. Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? On organise un bivouac chez toi ?
Morgan
(A Arnaud, sur le ton de la plaisanterie.) Oh, oui, ma biche ! Passer la nuit avec toi !
Arnaud
(Stressé) Arrête là ! Tu me gonfles avec tes conneries ! Lâche-moi !
Morgan
Oh ! Ça va ! Si on ne plus plaisanter !
Lara
(Soudain.) Le bureau de mon père ! Il y a le téléphone ! Comme ça, on prévient l’aide soignante et elle revient nous ouvrir. (Griffonnant sur un bout de papier.) Qui y va ? C’est la porte qui se trouve derrière l’escalier. Voilà son numéro.
Morgan
(Saisissant le papier.) Laissez-moi faire mes chéris, j’assure sur ce coup là.
Audrey
(Pas rassurée.) Morgan, je peux t’accompagner ? Je ne peux pas rester en place quand je sais que je suis enfermée.
Morgan
(Lui ouvrant le chemin en jouant les grands seigneurs.)Après vous, très chère. Vous ne risquez rien avec Momo la terreur.
(Morgan montre les pouces en faisant un clin d’œil au reste du groupe et sort.)
Morgan (En off)
Rangez vos boulets et vos chaines, les fantômes. Faites place à Momo la terreur et sa princesse !
Audrey (En off)
Arrête, Morgan. T’es lourd !
(Un long silence.)
Lara
Je suis vraiment désolée. Je ne m’attendais pas à ça. C’est trop bête de finir comme ça.
Constance
Ça va, Lara, il n’y a pas mort d’homme. Pourquoi ton père prend-il toutes ces précautions ? C’est dingue !
Lara
Comme je te le disais tout à l’heure. Il est souvent en voyage d’affaires avec ma mère. Je pense que c’est pour ma sécurité. Comme tous les parents, ils s’inquiètent.
(Retour de Morgan et Audrey qui paraît encore plus inquiète.)
Morgan
C’est aussi pour ta sécurité qu’il a verrouillé la porte de son bureau ?
Lara
(Angoissée.) Oh non ! Ce n’est pas vrai ! C’est le seul téléphone de la maison !
Audrey
(Commence à paniquer.) Bon, on ne va pas rester là, comme ça ! Parce que moi je sens que je vais péter un plomb vite fait !
Constance
(Haussant en peu le ton.) Audrey, calme-toi je te prie. Ce n’est pas la fin du monde.
Sarah
C’est vrai ça. Pourquoi tu paniques comme ça ? Tu vas tous nous faire flipper.
Claire
(Prenant Sarah à part.) Je crois qu’elle est claustrophobe. Tu sais ce que ça veut dire ? Etre enfermée, lui fiche une trouille pas possible. C’est plus fort qu’elle.
Sarah
Désolé. Je ne savais pas.
Morgan
(Qui a entendu.) Manquait plus que ça. (A Audrey) Princesse, tu sais ce qu’on va faire ? On va aller se promener dans la maison comme ça tu auras moins l’impression d’être coincée ici.
Audrey
(En sortant, toujours paniquée.) Oui, mais vite, là. Je commence à avoir du mal à respirer.
(Morgan et Audrey sortent.)
(Un long silence pendant lequel plus rien ne bouge.)
Arnaud
En attendant, on pourrait peut être se creuser les méninges pour trouver une issue, non ?
Sarah
(Tendue) Et qu’est-ce que tu crois qu’on est en train de faire, là ? Des mots croisés ?
Arnaud
(Agacé) Oh, ça va ! J’en ai marre qu’on me jette tout le temps, là ! Je ne suis pas votre souffre douleur.
Constance
Il n’y a personne qui te jette, Arnaud, c’est juste qu’on s’inquiète c’est tout.
Eve
(Regardant par la fenêtre.) Et le soir commence à tomber. On ne pourrait pas hurler pour que quelqu’un nous entende, je ne sais pas moi ou briser cette fenêtre ?
Lara
Double vitrage sécurisé. Mon père…
Eve
…A vraiment pensé à tout. Et j’imagine que c’est pareil pour toutes les fenêtres. Quelle poisse !
Lara
(Un sanglot dans la gorge.) Eve. Je suis vraiment navrée. J’ai honte de moi.
Eve
Allons, allons. Faut pas. Ce n’est pas de ta faute.
Constance
Eve a raison, Lara. Ce n’est pas de ta faute si tes parents sont plus que prévoyants.
Lara
(La colère la gagne.) Stupides même. Au lieu d’être là, avec moi, ils préfèrent m’enfermer comme un animal. (Un silence.) Parfois je me demande s’ils n’ont pas honte de moi.
Sarah
Là, tu dis n’importe quoi. Sinon pourquoi tes parents auraient accepté que tu nous invites ?
Lara
(Toujours en colère.) Ils ne sont pas au courant. Qu’est-ce que tu crois ? J’ai voulu organiser cette fête toute seule et regarde ce que ça donne… Un vrai gâchis… (Elle tire les draps à elle et disparaît en dessous.)
Constance
(Secouant un peu son épaule.) Lara, on a tous trouvé ça super, ta fête. Ne dis pas ça. (Un silence.) Hé ! Lara ! Ne reste pas comme ça ! Lara !
Lara
(Se dressant d’un bon comme une furie.)Mais que je suis bête ! Les parents ! Mais bien sûr !
Constance
(Qui a sursautée.) Tu m’as fait peur ! Préviens quand tu bondis !
Lara
Vos parents sont au courant que vous êtes chez moi. Ils vont bien finir par s’inquiéter et venir frapper à la porte. Et là, ils pourront nous aider.
(Un long silence pendant lequel les enfants ne se regardent qu’à moitié.)
Ben quoi ! Je n’ai pas raison ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
(Les enfants restent silencieux.)
Constance, dis quelque chose. Tes parents vont bien finir par se manifester ?
Constance
(Troublée) Et bien c'est-à-dire que je n’avais pas vraiment prévu ça et…
Lara
Et quoi ?
Constance
Je crois que j’ai complètement oublié de leur en parler. C’est les vacances, tu comprends, mes parents travaillent et ils ne sont pas là tout le temps derrière moi. En règle générale, je dis que je sors et que je vais voir des copains dans le quartier mais sans préciser.
Sarah
C’est un peu pareil pour moi.
Arnaud
Moi, itou. Tout de façon, ils ne me demandent jamais où je vais.
(Tous les regards se tournent vers Eve.)
Eve
Pas la peine de me dévisager. Les miens sont tellement la tête dans le guidon en ce moment avec leurs nouveaux jobs que je ne les ai pas vu depuis hier soir. Les joies de la vie citadine. Métro, boulot, dodo. Je commence à regretter la campagne. Même si parfois on se faisait la gueule, on se voyait plus souvent.
(Retour d’Audrey, Morgan et Claire.)
Morgan
(Toujours le mot pour rire.) Holà ! Quelle ambiance les copains ! C’est le délire ! On enterre qui ?
Lara
Morgan ? Quelqu’un sait, chez toi, que tu es ici ?
Morgan
Tu rigoles ou quoi ? Ma vie privée c’est ma privée. Pourquoi ?
Lara
(Comme un dernier espoir.) Audrey ? Et toi ?
(Un silence pendant lequel Audrey se sent gênée devant ses camarades qui la dévisagent.)
Audrey
Et bien, en fait… Je n’avais pas le droit de sortir. Je devais rester consignée dans ma chambre jusqu’à nouvel ordre… Rapport à une dispute avec ma mère… J’ai fait le mur…
Arnaud
Oh, la boulette ! On n’est pas dans les ennuis, tiens ! Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Morgan
Il n’y a plus qu’à se souhaiter bonne nuit et trouver un endroit pour pioncer !
Constance
(Fixant Lara qui depuis un moment n’est plus tout à fait dans son état normal.) Lara ? Ca ne va pas ? Lara et bien dis quelque chose !
(Pour toute réponse Lara fixe droit devant elle, terrifiée.)
Lara
Oh, non, je vous en prie. Pas maintenant. Pas avec eux. Je vous en prie. Partez. Partez. (Elle hurle en gesticulant dans son lit.) Partez ! Allez-vous-en !
Eve
Mais retenez-la ! Faites quelque chose ! Elle va tomber de son lit !
(Les garçons se précipitent sur Lara pour la contenir.) (Les filles reculent impressionnées.)
Morgan
Lara ! Lara ! Calme-toi, ma vieille ! On est là ! On est tous là !
Arnaud
Qu’est-ce qu’il lui prend, bon sang ! Qu’est-ce qu’elle a ?
Sarah
Tu ne vois pas qu’elle fait une crise de nerf ? Aide-moi, je n’arrive pas à la tenir.
(Lara s’immobilise soudain.)
Morgan
Ca y est. Je crois qu’elle s’est calmée.
Sarah
Elle n’est pas dans les vaps au moins !
Morgan
Je ne sais pas. Attends !
(Soudain Lara se redresse sur son lit et fixe la porte d’un regard inquiétant.)
Lara
Il arrive ! Il arrive ! Fuyez ! Cachez-vous !
Audrey
(Qui recommence à paniquer.) Arrête-ça, Lara ! Il n’y a personne dans la maison. Avec Morgan, on a tout fouillé. (Plus fort) Il n’y a personne dans la maison !
Lara
(Visiblement terrifiée) Il arrive. Je vous dis. Il vient nous voir. Fuyez. Cachez-vous !
(On entend des pas lourds et lents qui gravissent une à une les marches de l’escalier à l’extérieur de la chambre. Tous les regards se figent sur la porte.) (Un silence de mort où chaque bruit de pas fait s’écouler le temps plus lentement.) (Les bruits de pas s’arrêtent juste derrière la porte qui après un temps s’ouvre brusquement en faisant sursauter les enfants. Il n’y a personne derrière.)
Morgan
Qu’est-ce que c’est que ces magouilles !?
Audrey
(Epouvantée.) Alors c’était donc vrai ! Elle est vraiment hantée ?
Lara
(Sur le qui vive.) Chut ! Rapprochez-vous du lit doucement. En silence. Et à mon signal, baissez-vous par terre ! (Un silence pesant.) Maintenant !
(Tous les enfants plongent au sol. Lara se protège sous les couvertures. Et dans la chambre c’est un déchainement total. Les livres et les bibelots volent en tous sens. Les lampes clignotent. On entend le bruit d’un vent furieux, de coups de tonnerre, accompagnés de plaintes et de cris qui viennent de nulle part. La musique se met en marche toute seule déversant un flot de musique hard rock symphonique. Puis une fois la chambre dévastée, le calme revient aussitôt et la porte se referme brusquement.)
(Dans la chambre en désordre, les enfants n’ont pas bougé. Un silence tendu. Lara est toujours caché sous ses draps.) (Constance se redresse doucement en surveillant les alentours. Elle s’assoit sur le lit de Lara et tente de l’appeler.)
Constance
Lara ? Ça va, Lara ?
(Lara se relève mais garde son drap pour se cacher le visage. Elle pleure. Constance lui tend lentement un mouchoir en papier.)
Lara
Maintenant, vous savez. Vous savez que je suis maudite et qu’il vaut mieux ne pas m’avoir comme amie. Les gens maudits n’ont pas le droit d’avoir des amis. (Elle s’effondre en pleurs de nouveau et retourne sous les draps.)
(Les autres se regardent hébétés, ne comprenant pas très bien ce qui leur arrive. On entend une sirène de police qui passe au loin dans le quartier.) (Noir.)
TABLEAU 4
(Silence dans la chambre. Pour l’instant personne ne dit mot. On entend un concert lointain de sirènes de police, puis le bruit d’un moteur de voiture et d’une sirène plus proche.) (Certains remettent de l’ordre dans la chambre.) (Morgan est à la fenêtre, l’œil perdu à l’extérieur.)
Morgan
Encore une. Si ça se trouve c’est pour nous tout ce concert de sirènes.
Arnaud
Et tu crois qu’ils vont réussir à nous trouver ? Faudrait peut être leur faire un signal. Je ne sais pas moi, en faisant du morse avec la lumière de la chambre.
Morgan
Ah, ouais ? Et tu connais le morse, toi ?
Arnaud
Ben, non…
Morgan
Sans commentaire…
Lara
Ils ne nous trouveront pas. L’autre se charge de brouiller les pistes.
Constance
Quand tu dis l’autre, tu veux parler de…
Sarah
Je crois que nous avons tous compris, Constance.
Audrey
C’est quand même dingue ! Tes parents ne sont pas au courant ?
Lara
Il ne se manifeste jamais quand ils sont là. Avec ça, va leur faire croire que leur fille s’amuse avec un fantôme tous les soirs. Dans mon état, il ne manque plus qu’ils me prennent pour une dingue.
Sarah
Oui, mais là, nous sommes témoins. Peuvent quand même pas nous enfermer tous pour folie.
Audrey
Arrêtez de parler de ça, je sens que je commence à manquer d’air.
Morgan
(A Audrey) Une ballade dans la maison, princesse ?
Audrey
Heu, non. Tout bien réfléchi, je préfère qu’on reste ensemble.
Morgan
Alors viens avec moi près de la fenêtre et respire un grand coup comme tout à l’heure.
(Un silence pendant lequel les enfants poursuivent leur rangement. Lara, les yeux tristes, ne bouge pas. Audrey et Morgan regardent par la fenêtre.)
(Au bout d’un temps, l’attention d’Eve se porte sur un livre. Elle s’assoit par terre au milieu des autres livres éparpillés et bouquine.)
Constance
(A Eve) Qu’est-ce que tu lis ?
Eve
Un bouquin sur la parapsychologie.
Arnaud
Houla ! C’est trop barré pour moi ces choses là !
Audrey
Je n’ai jamais su ce que c’était vraiment en fait. Mes parents en parlent parfois parce que j’ai une vieille tante qui est « médiane » ou un truc comme ça.
Morgan
Ah, ouais ! Elle marche en diagonale, alors.
(Tout le monde rigole, sauf Audrey qui n’a pas compris.)
Audrey
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
Sarah
Tu voulais dire medium, non ?
Audrey
Ouais. Enfin, je ne sais pas. Je m’en fous. Tout de façon, je n’y crois pas à ces trucs là.
Eve
Ah, bon ? Et qu’est-ce que tu penses de ce qu’on vient de vivre alors ?
Audrey
Ca en fait partie ?
Eve
On est en plein dedans, tu veux dire. (Cherchant une page.) Tiens, écoute ça : La psychokinésie ou télékinésie est la faculté de mettre en mouvement par l'esprit un objet matériel. Elle permettrait donc de déplacer, à distance, des objets et d'agir directement par l'esprit sur la matière. Il s'agit d'une potentialité hypothétique du psychisme, ce phénomène n'est considéré comme une possibilité sérieuse que par très peu de scientifiques.
Arnaud
La vache ! J’ai rien compris !
Morgan
Déjà que tu ne comprends pas les charades qui se trouvent dans les papiers de chewing gum, là, ça ne risque pas.
Arnaud
(Grimaçant) Gnan, gnan, gnan ! Morgan, tête d’âne !
Morgan
(Joueur) Quoi ? Qu’est-ce qu’il a dit, Arnaud tête de blaireau ?
(Morgan et Arnaud font semblant de se battre en riant. L’atmosphère se décontracte un peu.)
Eve
(Qui n’a pas décollé de son livre)Ou encore ça, écoutez : Un poltergeist(de l' allemand dérivé de poltern « faire du bruit » et Geist « esprit ») est un phénomène paranormal consistant en des bruits divers, des déplacements, apparitions ou disparitions d'objets et autres phénomènes a priori inexplicables. Ils sont, en général, considérés comme des phénomènes de « petite hantise » liés le plus souvent à la présence d’un(e) adolescent(e) perturbé(e)…etc.
Constance
Qu’est-ce qu’ils entendent par « adolescent perturbé » ? Je ne comprends pas.
Audrey
(Qui montre des signes de malaise.) Arrêtez, s’il vous plaît. Arrêtez de parler de ça… Je… Je ne me sens pas bien… (Elle s’effondre tétanisée.)
Sarah
Mince ! Elle a du se faire mal en tombant ! Arnaud, viens m’aider.
Lara
Posez-la, là, à côté de moi sur le lit.
Sarah
Bon sang, son corps est tout raide. Je n’arrive même pas à lui ouvrir les mains.
Lara
Ça ressemble à une crise de tétanie. J’en ai déjà eu par le passé. Tu as l’impression d’avoir les muscles pétrifiés c’est très désagréable mais sans danger.
Constance
Et qu’est-ce qu’il faut faire ?
Lara
Une piqûre de calcium.
Arnaud
Génial ! Déjà qu’on n’a même pas les moyens d’avoir un téléphone qui fonctionne, alors pour trouver un médecin.
Lara
On a peut-être pas le médecin mais on a les moyens.
Arnaud
Qu’est-ce que tu veux dire ?
Lara
Constance, tu veux bien regarder dans cette petite armoire ? Tu vas trouver une trousse blanche. Apporte-la-moi s’il te plaît.
Eve
Est-ce que tu penses à ce que je pense, Lara ?
Arnaud
Quoi ? A quoi tu penses ?
Eve
C’est risqué tu ne crois pas ?
Arnaud
Quoi ? Qu’est-ce qui est risqué ?
Morgan
Ça y est Arnaud avec tes questions, là ? C’est stressant.
(Constance porte la trousse à Lara qui en sort une seringue et un flacon.)
Arnaud
(Paniqué.)Woh ! Woh ! Vous êtes malades ou quoi ?
Sarah
On n’a pas le choix, Arnaud. Faut faire quelque chose. On ne peut pas laisser Audrey comme ça. Tu ne vois pas qu’elle souffre ?
Arnaud
(Même jeu.) Je peux vous attendre derrière la porte de la chambre ? Je ne supporte pas la vue d’une piqûre. Je tombe dans les pommes.
Sarah
Bon et bien sors et attends-nous. On te rappelle. Une dans les choux ça nous suffira pour l’instant. (Elle lui ouvre la porte. Arnaud sort tout penaud.) (En refermant la porte derrière lui.) Bon, qui est volontaire pour lui faire l’injection ?
Constance
Moi, je ne m’en sens pas le courage. C’est trop pour moi, là.
Eve
Pareil. Là, ça me dépasse. En plus je tremble comme une feuille.
Lara
Je ne suis pas la mieux placée, non plus. A la limite, je peux guider mais c’est tout.
Sarah
Bon et bien on est plus que deux sur le coup.
(Tout le monde regarde Morgan qui n’avait pas quitté des yeux Audrey.)
Morgan
Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ? (Qui réalise.) Oh ! Vous êtes malades ou quoi ? Il n’en est pas question, vous entendez ? Faire la promenade à la princesse, passe. Mais ça, c’est trop chaud. Et puis, c’est pas marqué infirmière, là. (En se désignant le front.)
Sarah
Bon. Laisse tomber. J’ai compris. Prépare la seringue, Lara. (Elle s’assoit au bord du lit. Morgan abasourdi recule.)
Lara
(Tout en préparant la seringue.) Ok. Alors, écoute-moi bien. J’ai tellement vu faire ma soignante que ça va aller. Prends son bras et tapote l’articulation au niveau du coude. Ça va faire apparaître la veine… C’est bien. Ensuite, tu prends ce coton imbibé d’alcool et tu frottes à l’endroit où tu vas piquer la veine. Voilà, c’est parfait. Prends la seringue en tenant fermement le bras et approche l’aiguille de la veine…
(Sarah approche plusieurs fois l’aiguille et fait marche arrière.)
Sarah
(S’impatiente.) Oh, la barbe ! Je n’y arrive pas. Je tremble comme une vieille !
Morgan
(Décidé.)Bon, chapeau jusque là. Tu as assuré. Laisse-moi faire à présent.
Sarah
Tu es sûr, Morgan ?
Morgan
C’est maintenant ou jamais. Bouge de là !
(Sarah laisse sa place à Morgan en lui remettant la seringue.)
Lara
Aller Morgan. Ça va bien se passer, tu vas voir.
Morgan
Je vous jure que si je loupe la veine et que je la saigne, je vous pique les fesses à toutes.
(La tension règne dans la chambre.)
Lara
Tu n’en auras pas l’occasion. Voilà. Tu t’approches doucement et d’un mouvement franc… (Morgan plante l’aguille.)Bravo. Sans bouger l’aiguille, tu appuies sur le piston de la seringue… tout doucement, voilà. Et tu retires l’aiguille… Coton… Bravo, mon gars, t’es mûr pour les études de médecine.
Morgan
(Soulagé et abattu.) Plus jamais ça les filles. Plus jamais…
Eve
Super, Morgan. T’as vachement assuré.
Constance
Je n’aurai pas fait mieux. Ça, c’est sûr ! Faut pas être perturbé pour faire ça !
Eve
(A Constance avec vivacité.) Répète ce que tu viens de dire, là !
Constance
(Surprise par la réaction d’Eve.)Pourquoi tu me parles comme ça ?
Eve
(Plus violemment avec insistance.) Répète. Je te dis. Ne discute pas. Répète.
Sarah
(Essayant de désamorcer l’ambiance.) Eve. Qu’est-ce qu’il te prend ? Constance a simplement dit qu’il ne fallait pas être perturbé pour faire ce qu’a fait Morgan.
Eve
(Soudain enjouée. En prenant Constance dans ses bras.) Mais justement, elle est géniale cette nana !
Morgan
Ca y est. Nous sommes tous en train de fondre les plombs.
Eve
Mais non, vous ne comprenez pas. (Reprenant son livre sur la parapsychologie.) Souvenez-vous. Tout à l’heure je lisais la définition du poltergeist…
Constance
Tu ne vas pas recommencer avec ça ? Tu as vu dans quel état ça a mis Audrey.
Morgan
Oui. Et puis je vous préviens : pour les piquouses adressez-vous au SAMU.
Eve
Un poltergeist ne se déclenche que si un adolescent perturbé se trouve dans les parages.
Constance
Oui. Bon et alors… Justement, ça veut dire quoi ce « perturbé ».
Eve
Contrarié, si tu préfères. Malheureux, triste,… Quelque chose comme ça…
(Les enfants se retournent vers Lara.)
Lara
Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?
Eve
Je crois Lara que c’est toi qui provoque toutes ces choses.
Lara
Et pourquoi moi ?
Eve
Tes parents, Lara. Tout à l’heure, tu étais en colère contre tes parents parce qu’ils ne sont pas près de toi.
Constance
(Tout bas. Prenant à part Eve.) Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas la vexer. Tu ne crois pas qu’elle souffre assez comme ça ?
Eve
(Tout bas.) Justement, il faut que ça s’arrête. (Tout fort à Lara.) Je n’ai pas raison, Lara ?
Lara
(Montrant des signes d’impatience et de contrariété.) Je t’interdis de parler comme ça de mes parents.
Eve
Et pourtant, c’est bien la vérité, Lara. Tes parents ne font pas assez attention à toi. S’ils étaient plus attentifs, tu souffrirais moins, n’est-ce pas ?
Morgan
Elle est givrée cette gonzesse !
Lara
(Très en colère et ne se contrôlant plus.) Je t’ai dit d’arrêter ça. (Elle hurle.) Arrête, tu entends ?
(La lumière vacille dans la chambre.)
Sarah
Oh, bon sang ! Ça recommence ! C’est l’autre !
Constance
(A Eve) Arrête je te dis, tu vas tous nous tuer.
(Les bruits de pas reprennent dans l’escalier.)
Morgan
Oh, la boulette ! On a laissé Arnaud derrière la porte.
(Morgan se précipite sur la porte qui ne cède pas.) (Sarah essaie de l’aider.)
Impossible de l’ouvrir. (Il appelle.) Arnaud ! Tire-toi de là ! L’autre revient ! Arnaud !
Sarah
Peut être qu’il est allé se cacher quelque part dans la maison.
(Les pas se rapprochent de plus en plus. Eve s’est assise aux côtés de Lara.)
Eve
Lara, j’en suis certaine. Tu provoques tout ça. L’autre c’est toi. Toi, seule, peux tout arrêter.
Lara
J’ai trop peur. Il est trop fort. Je ne vais pas y arriver.
Eve
Fais-moi confiance. Lorsque cette porte s’ouvrira comme tout à l’heure, arrête-le. Tu peux y arriver. C’est une question de volonté. Tu as bien réussi à tous nous réunir alors pourquoi tu ne pourrais pas l’arrêter ?
Lara
(Effrayé.) D’accord, je vais essayer.
Constance
Les pas se rapprochent de la porte.
Morgan
(Plongeant sur Audrey.) Audrey. J’ai failli l’oublier. Faut la protéger si tout recommence à voler dans la pièce.
(Le bruit de pas s’est arrêté derrière la porte.)
Lara
Je n’y arriverai pas.
Eve
Tu vas y arriver. Attend que la porte s’ouvre comme tout à l’heure…
(Un long silence où tous les regards sont fixés sur la porte.) (La porte s’ouvre brutalement.)(Le bruit de vent et de plainte commence à se faire entendre.)
Eve
(Hurlant) Maintenant.
Lara
(Hurlant très fort.) STOP !!!!!
(Tout s’arrête dans la chambre. C’est l’attente. Seule la chaise à bascule se balance comme par magie. On entend un rire abominable d’enfant.)
Eve
Encore, Lara. Dis-lui.
Lara
(Hurlant)STOP !!!
(La chaise à bascule et le rire s’arrêtent.)
Constance
Ça marche. Continue Lara !
Lara
(Presque soulagée.) Ça a marché ?
(Les lumières de la chambre clignotent de nouveau. Puis c’est la tempête de vent, de cris, de lamentations. Les objets volent en tous sens.)
Eve
(Hurlant dans la tourmente.) Contrôle-le Lara. Dis-lui. Dis-lui.
Lara
Je n’y arrive pas. Je n’y arrive pas.
Eve
Lara. Pense à tes parents. Ils t’aiment eux aussi. Eux aussi voudraient être prêts de toi ! Tu as songé à ça ?
(De toutes ses forces, Lara se redresse sur ses deux jambes, debout sur le lit, sous le regard médusé de ses amis.)
Lara
(Hurlant et gesticulant.) STOP !!!!! Va-t’en !!!! Va-t’en !!!!
(Tout s’arrête et se calme dans la chambre brusquement.) (Lara, épuisée et en pleurs, s’effondre sur le lit.)
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